La cuisine sur deux plaques - Espace et terrine de queue de veau
Plusieurs lieux de vie (diurne).
L'immeuble béton-néon-lino au bout du RER, gris souris et touches sangs après les pavillons sages des presque-provinces. Cantine à moquette tiède et tables en aggloméré (et sur les plateaux de plastique morne s'entassent coupelle de salades molles, fruits déprimés et assiettes chaudes d'insipidités), palmiers géants derrière les verrières de l'entrée et prospectus pour des fêtes passées.
L'immense tour argentée à l'organisation étrange, entrée jalousement gardée, couloirs bleutés et fenêtres-bulles. Rien au mur. D'autres vies qu'élèves excités et professeurs blasés aux pantalons rayés de craie et vestes de velours sombre : tout ce monde inconnu, dissimulé, que l'on aperçoit parfois accroché à une cigarette sur les bancs métalliques de la cour, ou grappes d'indifférenciés qui sussurent à la cantine.
Le lycée, enfin ; centenaire, auguste, briques, acier et marches de bois décaties, courbées sous le passage des collégiens turbulents, des lycéens fiers, puis des élèves un peu plus vieux, fatigués et sérieux, ceux qui rêvent d'excellence à la française. Blancs et tremblants face à l'examinatrice, dont le plus grand plaisir consiste alors à saisir, après une explication complexe, ces moments de basculement de l'obscur au clair.
Transmissions harassantes de savoirs formatés - c'est une cuisine foncièrement anachronique qui rassérènera. Une terrine de queue de veau, sa vinaigrette aux herbes, ses pommes de terre sautées.
Il faut d'abord une queue de veau. Une vraie. Le boucher reviendra de la chambre froide avec, et la découpera sous votre nez, assez heureux que l'on s'intéresse aux morceaux moins nobles. Il faudra du bon veau, tout de même.
Pour 2 personnes, il faut : 500g de queue de veau, deux-trois carottes, un poireau, un oignon, un bouquet garni (poivre/girofle/laurier/thym).
Dans un faitout, installer la queue de veau détaillée, le bouquet garni et l'oignon découpé, ainsi que le vert du poireau et une carotte détaillée en cubes grossiers. Couvrir d'eau, saler. Porter à ébullition, puis réduire le feu au minimum, et laisser mijoter quelques heures (2-3h minimum) (on peut le faire en plusieurs fois). À la fin de la cuisson, la viande doit se détacher du cartilage sans résistance.
Étuver le blanc du poireau détaillé en lamelles (12 minutes à la vapeur), réserver. Cuire vapeur les deux carottes restantes émincées en cubes grossiers, réserver. (ne pas oublier de saler, tout de même)
Au bout des 3 heures : conserver précieusement le bouillon, effilocher la viande. Dans une terrine, alterner couche de viande et de légumes étuvés. Verser le bouillon jusqu'au rebord de la terrine, en tassant un peu la préparation. Réserver au frais 24h (voire 48h, c'est meilleur).
Servir avec une belle vinaigrette aux herbes (cerfeuil, persil) et aux câpres, des pommes de terre sautées (beaucoup plus que sur la photo, bien sûr), et un Savennières. Un Clos de Coulaine, 2009, sera un très bon choix.
Dear J., this recipe is the kind of food your grandma could prepare just for you : a terrine of veal tail, with a herb vinaigrette and perfectly fried potatoes.
The utmost difficulty comes from the tail you have to find : a good butcher will always help for that part.
For 2 people, you need: 500g of veal tail, two to three carrots, a leek, an onion, a bouquet garni (pepper / cloves / bay / thyme), and patience.
Steam the sliced white part of the leek (12 minutes) and set aside. Steam the remaining two carrots accurately cut into cubes.
At the end of three hours: keep the broth, shred the meat. In a terrine, alternate layers of meat and steamed vegetables. Pour the broth to the edge of the terrine, pressing down. Refrigerate 24 hours (48 hours is better).