On ne badine pas avec la choucroute (et sandwichs coin-coing du dimanche)
La choucroute est immuable. Des souvenirs qui se superposent en strates parfaitement homogènes, identiques chorégraphies des séjours en Alsace, dans un décor immuable et suranné : saucisses blanches pochées puis grillées, Leberwurst généreusement tartiné du petit-déjeuner au dîner sur le pain au levain des producteurs de la vallée, charcuteries pantagruéliques (mortadelle pistache, mortadelle jambon, mortadelle à la mortadelle) et petites salades, saucissons à bière fraîche et terrines.
Aux inaltérables classiques, les nouveaux amis.
Une tête de chèvre – tyrannie de 2013 oblige, elles s’appelleront Idole, Irlande et Idéale – posée en toute confiance au creux de la main qui gardera en mémoire le parfum mêlé du fromage de chèvre délicieux, de la tête de porc au groin totalement émancipé, de la langue de veau gentille et curieuse.
Fournisseur officiel de fromages de chèvre
Future saucisse de Strasbourg
Chez Boxler, en famille, nous ferons provisions de quelques Riesling complexes et formidables : en prenant note du nez, de la bouche, de la robe, impossible pour les inexpérimentés de mon espèce d’imaginer ce que le vin dira dans quelques années. Il faut se contenter des plaisirs immédiats, et faire confiance.
Des ondes acidulées : pour faire une choucroute, il faudra une certaine patience et de bons ingrédients.
Le chou. Pas de chou précuit. Pas de chou de conserve. Du chou cru, bien fait. Celui de mon oncle, fabriqué chaque hiver (il faut du chou de type cabus, et 1,5 kilogrammes de gros sel pour 50 kilogrammes de chou, laisser reposer quelques mois sous la presse, dans un pot en grès massif soigneusement éloigné). Un chou acheté en magasin biologique, fabriqué avec plus de patience qu'un chou d'industrie, convient parfaitement.
Ce serait plutôt quelques règles d'or pour réussir (et, en italique, les ajouts familiaux : on ne badine pas avec la choucroute).
- Ne jamais cuire ensemble les composantes de la choucroute, sauf à rêver de goûts indistincts, de textures imprécises. (sauf si vous ne disposez que d'une marmite et d'un feu - en ce cas, la choucroute aura le goût suranné de 1950).
- Mieux vaut trop dessaler sa choucroute et la saler après cuisson. (pour dessaler le chou, il suffit de le rincer. Il est possible de goûter au fur et à mesure pour vérifier) (le chou cru ne tue pas, il se sert même en salade). On dessale la choucroute selon son âge : la jeune choucroute sera à peine rincée, la choucroute de fin de saison sera plus longuement baignée. (tous les âges de la vie d'une choucroute apportent leur lot de difficultés et de bonheurs).
Pour une choucroute 4 personnes, il faut :
- un bel oignon,
- une ou deux gousses d’ail,
- de la graisse d'oie ou de canard (mais on peut survivre sans),
- des épices (facultatives) : clous de girofle, graines de coriandre, baies de genièvre,
- 800 gr de choucroute (au moins, plus c'est mieux),
- un kassler (rôti de porc fumé) conséquent (ou une palette),
- un beau morceau de lard frais,
- une provision de saucisse (chez nous, on compte une demi Montbéliard par personne une à deux saucisses de Strasbourg) (la Strasbourg est miveau miporc, c'est meilleur pour cette recette que la knack miporc miporc),
- une bouteille de Riesling ou de très bon Sylvaner
- des pommes de terre à chair ferme (deux par personne au moins) : Roseval ou belles de Fontenay ou BF15.
Le chou : faire revenir l’oignon de belle taille finement émincé dans une belle càs de graisse d'oie (à défaut : graisse de canard, à défaut : huile neutre), jusqu’à transparence (feu doux-moyen). Ajouter la choucroute dessalée (cf ci-dessus), un verre de vin blanc (du Riesling, ou un très bon Sylvaner). Ajouter dans une boule à thé l'ail émincé, une petit feuille de laurier, un ou deux clous de girofle, des baies de genièvre ou des graines de coriandre concassées. Couvrir, laisser cuire à feux doux pendant une heure. Poivrer au dernier moment.
Il faudra cuire à part, dans un bouillon jamais plus que frémissant, la charcuterie. Le kassler fumé, d’abord, le plus longuement, que l’on peut faire partir à froid – trois quart d’heure, selon le poids de la bête. Le lard peut frémir de concert le même temps. Les saucisses de Montbéliard seront ajoutées un quart d’heure avant la fin de la cuisson, et les Strasbourg délicates ne seront pochées que 6-7 minutes avant la fin.
Servir avec du raifort et de la moutarde pour les papilles moins téméraires, un bon Sylvaner ou un Riesling. Voire des pommes de terre à l'eau (cuites à part dans leur peau), qui apporteront de la douceur au plat.
Que faire avec des restes de choucroute ?
- un new yorker hot dog,
- des vermicelles à la choucroute,
- un boeuf bourguignon et des spätzle.
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Miscellanées sans queue ni tête :
Deux quasi-cantines :
- le tataki de bœuf délicatement parsemé de sésame grillé chez Lengué ne me lasse pas – j’y aime également la délicatesse des copeaux de bonite qui dansent sur le saumon au miso ou le potiron cuit, et les sakés, et les gyozas aux légumes dont l'ail haché gros me transporte de bonheur.
- la petite cocotte pomme boudin noir, avec des salades sémillantes et des verres de vin toujours bien choisi dans le Garde-robe des Batignolles.
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Un dimanche de printemps, faire montre d’audace et monter dans un train avec un jeune homme et son panier de pique-nique. Y glisser des flûtes et un bon champagne, un cake à la mode de Nigel et des sandwichs coin-coing.
Sandwich Coin-Coing
Il faut :
- une ou deux baguettes selon le nombre de randonneurs du dimanche,
- des feuilles d’épinard cru,
- un chutney de coing (maison, c’est mieux, variation sur cette recette),
- un filet de cane cuit à basse température (120°c, 40 minutes au four) (ce qui permet d'obtenir une viande absolument fondante et très respectueuse du goût de la viande),
- de l’huile d’olive.
Dans les sandwichs : un trait d’huile d’olive sur une face, le chutney tartiné sur la face opposée. Glisser des lamelles de cane du côté chutney, des feuilles d’épinard côté huile d’olive. Déguster devant les canards du parc de Fontainebleau.